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Lutter contre ou œuvrer pour ?

« Lutter contre »…

Lutter contre… Cette expression est de nos jours assez banale et fréquemment employée.

Lutter contre la fatigue, lutter contre un mal de tête, lutter contre le chômage, lutter contre le chagrin, lutter contre sa belle-mère, lutter contre ses collègues, lutter contre une maladie, lutter contre des idées, lutter contre la société, lutter contre le patronat, lutter contre les syndicats, lutter contre les injustices, lutter contre la douleur, lutter contre le terrorisme, lutter contre le racisme,… bref, on lutte quoi.

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A croire que nous devons lutter en permanence contre tout ce qui ne nous convient pas. Rien qu’à lire l’encart ci-dessus je me sens déjà démunie, fatiguée… impuissante. J’ai l’impression de tourner en rond, de brasser du vent… et pourtant je n’ai même encore rien fait !

En luttant contre…, dans quelle mesure ne mettons-nous pas une importante quantité d’énergie à alimenter des pensées négatives ou peu constructives, des réactions improductives, des sentiments désagréables…
Dans quelle mesure ne donnons-nous pas de la consistance, de la matière à ce que nous voulons voir disparaître, ce dont nous ne voulons plus ?

Si mon objectif est par exemple de lutter contre la violence d’une ado que j’accompagne, je vais voir la jeune à travers les comportements violents que je souhaite voir disparaître.
Je vais focaliser sur ces derniers et la moindre manifestation d’agressivité de sa part va venir activer une partie de moi qui va me confirmer que j’ai raison d’agir contre ce comportement. Mon énergie tournera autour de cette violence qu’il faut stopper. 

Si au contraire je choisis d’œuvrer pour qu’elle trouve davantage de paix en elle, ou que je parviens à l’accompagner au delà ce ses comportements (qui ne la définissent pas), je vais créer un espace dans lequel l’énergie sera dépensée à contribuer à atteindre l’objectif fixé. Je vais ouvrir un champ des possibles et trouver des stratégies adaptées.

Je ne la verra plus à travers le prismes de ses comportements mais au-delà de ça, je la verrai entière, avec tout le potentiel et les ressources qui sont en elle.

Je ne sais pas vous, mais en ce qui me concerne, la perception d’une même situation, selon le prisme à travers lequel on le regarde, est totalement différent et je me sens vraiment plus inspirée, motivée, enthousiaste à l’idée d’axer mon accompagnement vers quelque chose de positif que dans un combat.

Donc si je lutte, je donne de l’espace à ce contre quoi je lutte.
Je donne à l’énergie « adverse » l’espace et l’envie de lutter, elle aussi, contre mon énergie.
C’est balo tout de même !
Finalement, à aucun moment notre énergie ne contribue à ouvrir, à créer du renouveau puisqu’elle est centrée sur la lutte contre l’actuel.

J’en ai fait l’expérience auprès de mes collègues il y a quelques temps.
J’ai lutté contre des pratiques qui ne me convenaient pas, contre des collègues dont je désapprouvais certaines postures, contre ma colère pour rester politiquement correcte.
Je dépensais bien plus d’énergie à essayer de les convaincre qu’il existait des alternatives à la vision traditionnelle de l’éducation, plutôt qu’à mettre en place des actions allant dans le sens de ce que je défendais auprès des enfants. Et de leur côté, ils usaient de leur énergie pour me convaincre que j’avais tort, pour défendre leurs idées…
Nous luttions donc, les uns contre les autres. Nous n’œuvrions pas les uns avec les autres.
Il m’a fallu un certain temps pour m’en rendre compte. J’en parle rapidement ici.

Car pour autant, est-ce que les choses changent ? Est-ce que ça évolue ? Est-ce que ça fonctionne ? Pas vraiment. Tant d’énergie pour si peu de résultat me semble être une bien piètre stratégie.

Alors que faire…

 

Lutter contre ou œuvrer pour ?

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Comment envisager œuvrer en faveur de quelque chose si je ne me suis pas d’abord posé la question : Qu’est-ce que je veux ?
Vers quoi ais-je envie d’orienter mon énergie ?
Qu’est-ce que je souhaite ? A quoi ais-je envie de contribuer ?
Qu’ais-je envie de créer, de voir naître ? Comment je peux agir pour que ça arrive ?

Si je lutte contre quelque chose, c’est sans doute parce que j’ai de bonnes raisons de le faire. Mais est-ce la bonne stratégie ? Si je veux me démarquer, décharger de la colère, ne pas rentrer dans le moule par exemple, ça peut être suffisant. Si je veux que les choses changent, ça me semble voué à l’échec.

Préférez-vous lutter contre le terrorisme ou œuvrer pour la paix ? 
Lutter contre le racisme ou œuvrer pour la tolérance et le respect ?
Lutter contre une colère ou œuvrer pour faire entendre vos besoins ?
Lutter contre le chômage ou œuvrer pour faire évoluer le marché du travail ?
Lutter contre les parents qui donnent des fessées ou œuvrer pour promouvoir une éducation respectueuse de chacun ? 
Etc. 
Le poids des mots…

Pour œuvrer pour quelque chose, il est nécessaire que j’ai une idée de ce vers quoi j’ai envie d’aller. Et ça, nous n’y avons pas tellement été habitués puisqu’on nous a davantage enseigné à voir nos erreurs et ce qui n’allait pas plutôt qu’à utiliser nos ressources pour construire, créer, innover, faire évoluer des choses pré-établies mais dénuées de sens.

Ne serait-ce qu’avoir une image mentale de ce que nous souhaitons, une visualisation de nos aspirations donne déjà des informations au cerveau de ce vers quoi il serait bon qu’il aille pour ainsi pouvoir commencer à construire pas à pas ce projet.

créer le bonheur

Si mon appartement ne me plaît plus, je peux pester pendant des lustres en disant que la déco est moche, que le propriétaire n’entretient pas les parties communes, que je m’y sens mal, que ce n’est pas lumineux, que… Et tout peut être absolument justifié ! Pour autant, ça ne fait pas avancer le schmilblick.
Si je veux que ça change, alors il me faut réfléchir à ce qui me ferait me sentir bien chez moi (changer la déco ? appeler le proprio ? déménager ? …). Pour ensuite pouvoir concrétiser le projet qui me plaît le plus en étant dans une action concrète et constructive.

Le pouvoir de l’accueil

Et pour ce faire, il est nécessaire de pouvoir être présent à ce qui est. D’observer sans juger, sans blâmer, sans critiquer. D’accueillir l’instant présent, tel qu’il est sans vouloir le changer… accepter que les choses en sont là où elles en sont, ce n’est en soi ni bien ni mal, c’est juste ce qui est. Chacun fait de son mieux avec les moyens qu’il a et est sans aucun doute convaincu du bien fondé de sa démarche.

instant présent

Alors nous pourrons utiliser notre énergie à la création de ce qui a du sens pour nous.

Par exemple, je peux lutter contre ma tristesse, si elle est là, elle restera. Ou Pire, elle s’enfouira quelque part pour ressortir d’une autre manière de manière plus insidieuse…
Mes larmes ont besoin d’être entendues, parce que c’est sans doute ce qu’il y a le plus écologique pour moi, et se manifesteront d’une manière ou d’une autre pour m’avertir qu’il y a quelque chose en moi à traverser.
Accueillir cette tristesse, aussi inconfortable que cela puisse être ressenti, permettra aux larmes de quitter notre corps, à notre chagrin d’être entendu et il pourra alors laisser la place à autre chose. 

Evidemment, le processus peut sembler simple à proposer par écrit, c’est une toute autre histoire à vivre, mais je suis persuadée de son efficacité.

***

Parce que parfois l’expérience psychique est très abstraite, le fait de vivre ces processus à travers le corps, d’en ressentir concrètement les effets peut nous aider à mieux en saisir la pertinence et les bénéfices. Je prendrai donc le temps d’ici quelques jours de vous faire le parallèle avec… mon accouchement ! Ou comment lutter contre la douleur ne fait que l’amplifier quand l’accueillir et la traverser pleinement permettent d’atténuer les sensations et de mesurer à quel point elles ont du sens pour nous aider à avancer. Et qu’en les acceptant, en les accueillant, en les considérant comme étant un messager nous permettant d’aller plus loin sur notre chemin de vie, elles sont bien plus tolérables parce qu’elles ne sont pas là pour rien.

 

 

 

 

18 réflexions au sujet de « Lutter contre ou œuvrer pour ? »

  1. Bonjour Elodie,
    D’abord un grand merci de partager.
    Ce que tu exprimes avec des exemples concrets s’applique très bien dans la vie courante.
    Par exemple lutter contre une douleur physique ou même morale n’arrange rien au contraire, le corps se contracte, se raidit et la douleur augmente. En revanche se concentrer sur une action, y compris de la lecture, de la musique, écrire, créer, fait oublier la douleur ou plutôt la transcende. C’est assez facile à pratiquer, y compris au moyen de la respiration, de la marche en se concentrant sur l’action.
    Je crois que cela fait partie de la pleine conscience, même si cela est bien mal nommé.
    Qu’en penses-tu ?
    Alain

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    1. Bonjour Alain, et bienvenue !
      Je suis tout à fait d’accord, je vais justement en parler dans un prochain billet par rapport à la douleur des contractions 🙂
      Je pense que ça peut correspondre à ce que l’on appelle la pleine conscience, en tous cas je trouve que ça s’y prête bien !
      Au plaisir,
      Elodie

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  2. Merci pour cet article. Il est si juste et si vrai !! Reste à mettre en pratique et à enrayer la mécanique du naturel ….

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    1. Eh oui, comme vous dites 🙂 Les théories auxquelles on adhère et que l’on parvient tant bien que mal à expliquer sont souvent plus facile à comprendre et à intégrer qu’à mettre en pratique 🙂

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  3. C’est vraiment bien cet article ! …J’ai tout d’abord lutté contre l’idée que c’était dommage de dire juste ça, puis j’ai enchaîné en œuvrant pour te le dire quand-même 🙂 Et tu vois Emilie, ça marche !!!

    Je te souhaite la paix.

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  4. Coucou Elodie,

    Eh bien je te remercie vraiment de cet article qui tombe à pic !
    Je discutais exactement de ce sujet avec une participante à un atelier hier soir !

    Nous parlions des Journées de la Non Violence Éducative, et du coup j’ai amorcé un débat pour modifier le nom localement (encore un coup de notre façon de penser même en parentalité positive !).

    Effectivement, sur quoi voulons nous mettre le curseur ? Se concentrer sur ce qui ne va pas, n’est-ce pas aussi se flageller tout le temps? J’y songeais aussi en regardant la vidéo TED de j’arrête de râler. Personnellement, ça m’a encouragée à voir mes défauts, et non toutes les fois où je ne râle pas.

    Nous nous disions aussi que mettre en lumière ce qu’on veut éviter, ça fait qu’on reste entre soi, entre militants. Alors qu’oeuvrer pour permet la créativité, l’ouverture, l’adhésion. J’ai découvert que les Colibris étaient à fond là dedans au passage !

    A tout bientôt !
    😉

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    1. Hello Flore,

      Contente de te lire.
      Je partage bien ton point de vue, notamment sur le terme ENV, raison pour laquelle je ne l’emploie pas et que je ne suis pas dans les groupe portant ce nom car l’énergie qui s’en dégage dans ce que j’ai pu constater est « anti… ». La démarche d’être à l’écoute de ce qui est vivant en chacun est un chemin, pas un état permanent…
      Je te retrouve bien là 😉

      Au plaisir de te lire et de papoter avec toi un de ces 4 !

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  5. Chère Elodie,

    J’ai découvert ton blog il y a quelques temps et je souhaitais te remercier pour tes réflexions qui alimentent grandement les miennes et m’encourage à m’investir dans la communication bienveillantes et non-violente.
    Heureuse de te relire en tout cas =)
    Belle après-midi!

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    1. Bonjour Emilie,

      Un tout grand merci pour ton message qui me fait fort plaisir. Ca faisait un moment que je n’étais pas venue par ici et l’envie de reprendre le blog me titille les doigts, la tête et le coeur 🙂
      Du coup, recevoir un feedback si rapidement m’encourage et me conforte dans mon élan 🙂

      Reste à retrouver l’inspiration et à pouvoir coucher tout ça par écrit :p

      Je suis heureuse de constater que de plus en plus d’acteurs éducatifs oeuvrent dans le sens de la « non violence », c’est enthousiasmant 🙂

      Au plaisir !

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