Adolescence·Situations concrètes

Témoignage d’humanité

Voici ci-dessous le témoignage de Frederic Couvreux trouvé sur le groupe FB « Tu sais que tu es travailleur social quand… » que je vous invite à lire, avec son accord. Un merveilleux témoignage d’humanité car oui, avant d’être éducateur, nous sommes d’abord et avant tout des êtres humains accompagnant d’autres êtres humains. Et l’humanité se trouve non pas dans les manuels mais en chacun de nous. Merci Frederic de nous le montrer avec tant de simplicité et de présence :

« Je lui parlais à travers la porte avec une drôle de voix, je lui disais que je ne voulais pas qu’elle fasse ça, qu’elle n’avait que quinze ans et- toute-la-vie-devant-elle (comme dans les films) Peut être que si je jaquetais sans arrêt, si je l’abrutissais de paroles, elle ne ferait pas de gestes, elle ne ferait pas ce geste. Je savais à peu près de quoi elle était capable, rire très fort et être vraiment en colère, je savais qu’elle était sérieuse. Elle restait silencieuse et pourtant c’était comme si elle hurlait derrière cette porte. Est-ce que je me comportais en bon professionnel ? Est-ce que j’étais à « la bonne distance » ? Est-ce que j’avais des « éléments de langage adaptés» ? J’aurais peut-être du tenter de défoncer la porte ? Tout ce que je sais c’est que à ce moment-là j’étais seul et elle aussi. Je ne sais pas combien de temps ça a duré : des minutes, des heures, des années…Et puis elle a fait glisser le rasoir par-dessous la porte, je l’ai vu s’arrêter, là, entre mes pieds. Alors je lui ai dit merci, parce que ce cadeau-là, il n’y a qu’elle qui pouvait le faire. Elle ne pleurait pas, jamais : d’aussi loin qu’elle se souvienne, ses larmes, ça avait intéressé qui ? En déverrouillant la serrure j’ai bien vu qu’elle se protégeait avec sa colère. Et puis on a marché sans rien se dire et puis elle s’est assise et puis elle a parlé. De son enfance, de ce que lui avaient fait ses parents…avec un vrai sourire parce que ça l’aidait à affronter tout ça. Moi j’ai fermé ma bouche, j’ai laissé de côté les mots du professionnel et j’ai écouté. Sans faire étalage de ma compassion, sans m’abriter derrière mon rôle d’éducateur, sans regarder ma montre, sans rien faire d’autre. Je l’ai écouté…

Après, j’étais fatigué, vraiment. J’aurais voulu trouver un lieu isolé et tiède, me mettre en position fœtale et dormir. Me poser sur la lumière de juillet, entendre le son de ma respiration et celui des bonnes abeilles.« 

Une réflexion au sujet de « Témoignage d’humanité »

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