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Oser révéler sa couleur

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Qu’est-ce qu’être éducateur ?

Quelle est la représentation que la société a de ce que doit être un bon éducateur ?

Quelle représentation as-tu, toi, de ce que doit être un bon éducateur ?

Idem pour tes collègues, ta hiérarchie, tes partenaires voire même les personnes que tu es amené.e à accompagner…

Lorsque l’on choisit d’exercer un métier, on ne le fait pas par hasard. On le fait parce que, consciemment ou pas, ça vient parler de notre histoire. Parce que l’on a quelque chose à régler. Parce que cela répond à un besoin. Parce que c’est dans nos tripes sans savoir pourquoi. Parce qu’on pense avoir un rôle à jouer auprès de certaines personnes. Ou pour un tas d’autres raisons que seul toi peut connaître. Et si on ne se pose pas la question, peut-être ne le saura-t-on jamais !

Le métier d’éducateur (entre autres), a cette particularité de faire partie des métiers de la relation d’aide. Il y a donc cette notion d’aider quelqu’un, de contribuer à son mieux-être, de jouer un rôle dans la vie d’autrui. La plupart des personnes qui choisissent de suivre cette voie ont en elles des représentations, des croyances, des idées pré-conçues de ce que doit être un « bon » éducateur, de ce que doit et ne doit pas être la relation d’aide… et/ou perçoivent ce que la société porte comme représentations à ce sujet pour les intégrer comme leur appartenant.

Pour certains, un éducateur doit avant tout être à l’écoute de l’autre…
Pour d’autres, un éducateur ne doit pas laisser transparaître ses émotions sur le terrain…
Pour d’autres encore, un éducateur doit être habillé d’une certaine manière…
Pour d’autres toujours, un éducateur se doit de défendre telle ou telle valeur…
Pour d’autres enfin, un éducateur doit faire respecter le cadre à tous prix…

Je pourrais citer des centaines d’exemples de ce que doit ou ne doit pas faire un éducateur en fonction des représentations individuelles ou collectives. Et je t’invite si tu le souhaites à te demander, déjà rien que de toi à toi, quelles sont les idées reçues que tu as de ton métier…

Associé à ces représentations, il y a tout ce qui est demandé à l’éducateur par l’institution au sens large (formation, institution, politiques, partenaires, hiérarchie, juge, mandataires,…) en termes d’efficacité, de capacités d’analyse, de résultats relationnels, de mise en place de projets, de non jugement, de rédaction d’écrits, de gestion de conflits, de qualités relationnelles, etc.

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Sauf que toutes ces attentes que l’on a au sujet de l’éducateur finissent par l’enfermer dans une espèce de moule commun duquel il est difficile de sortir si l’on ne rentre pas dans les clous. Il y a une espèce d’uniformisation de la posture éducative qui peut en éloigner certains de ce qu’ils venaient chercher dans ce métier : l’humain, la relation, la passion, la vie.

Je ne dis pas qu’il n’y a pas certaines compétences à avoir, bien au contraire, je serais une des premières à revendiquer encore plus de formations et d’accompagnement au quotidien ! Davantage de supervisions, de coaching, de facilitations d’équipes, de groupes d’analyse de la pratiques, de journées thématiques, de temps de réflexions, d’intelligence collective, de dynamique de groupe, etc. Car se professionnaliser n’est pas apprendre des théories ou des vérités mais évoluer en permanence sur son chemin professionnel et personnel, dans l’expérimentation et l’introspection individuelle et collective. Se questionner, remettre en question sa pratique, s’ouvrir à de nouvelles perspectives, etc. Et je trouve que cela manque cruellement sur le terrain, faute de moyens, d’intérêt, de je ne sais quoi.

De plus, tout le monde n’a pas les mêmes ressources, tout le monde n’a pas les mêmes facilités pour tel ou tel domaine, chacun a un domaine d’expertise et de compétences qui lui est propre et qu’il serait vraiment intelligent de révéler pour le bien ET de l’éducateur en question mais aussi celui des personnes accompagnées et celui de l’institution !

… A ce propos, est-ce que tu sais, toi, quelles sont tes ressources principales ? Celles que tu pourrais exploiter sur le terrain en étant à la fois complètement à ta place et en jouant un rôle unique dans ton équipe ? Ce truc qui te fait vibrer, que tu aimes et que tu sais faire et qui pourrait être un réel plus dans ton équipe et pour les jeunes que tu accompagnes ?

Quoi qu’il en soit, cet enfermement dans un fonctionnement qui ne convient pas à nos valeurs finit par générer chez certains (et le nombre de personnes en souffrance au travail est tout de même terriblement élevé dans ce secteur) un décalage entre la motivation qui les a poussés à exercer ce métier et la réalité du terrain, provoquant ainsi une usure professionnelle. Et pour cause, pour nous conformer à ce que l’on attend de nous en tant que professionnel, nous nous coupons de qui nous sommes au fond de nous, de notre élan, de notre motivation profonde.

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Alors peut-être que cela ne te parle pas parce que tu as déjà trouvé ta place et que tu te sens à l’aise dans ce que tu accomplis au quotidien ? Et c’est super ! Ou peut-être fais-tu partie de ces professionnels qui ont perdu le goût de venir travailler malgré la passion qui t’animait au début ? Peut-être fais-tu partie de ces professionnels qui tentent de répondre à un code institutionnel sans vraiment te sentir à ta place ? Pour côtoyer de nombreux éducateurs, je sais que vous êtes nombreux dans ce cas. J’en ai fait partie.

Être toi, c’est repérer petit à petit toutes ces représentations dans lesquelles tu t’es enfermées pour répondre aux attentes d’un système (qui cherche probablement à faire de son mieux mais qui, de toute évidence, passe souvent/parfois à côté de l’essentiel : l’humain) et c’est aussi accepter d’être qui tu es, un éduc imparfait et humain.

J’ai longtemps cherché à faire des choses qui me demandaient un effort incommensurable sur le terrain : créer des projets, aller à des rdv avec des partenaires, imaginer des activités manuelles, tenir mes dossiers à jour… alors que mon truc à moi, c’était la relation, le vivant, l’humain. La paperasse ne m’intéressait absolument pas et si je n’en comprenait pas le sens, je procrastinais et cela me prenait une énergie folle. Puis clairement, j’avais plus intéressant à faire qu’être derrière mes dossiers : être avec les jeunes ou réfléchir à comment les accompagner au mieux.

Progressivement, j’ai pris conscience de ce qui m’animait et de ce qui me pesait. J’ai accepté que je n’étais pas parfaite. J’ai accepté que j’étais juste humaine. J’ai accepté qu’il y avait des choses pour lesquelles je n’étais pas compétente et  plutôt que de me flageller en voyant faire mes collègues avec facilité, j’ai reconnu que c’était ok comme ça, chacun ses domaines d’excellence et de médiocrité. Et c’était OK !

Et plus j’essayais de me conformer à ce que l’on me demandait, plus j’essayais de me prouver que moi aussi je savais faire et plus je me mentais à moi-même finalement. Ca ne sera pas le cas de tout le monde, certains ont cette faculté de faire uniquement et spontanément ce pour quoi ils sont compétents. Mais je sais d’expérience que je suis loin d’être la seule.

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J’ai donc choisi de me libérer de ce qu’on m’avait fait prendre comme point de vue qu’un bon éducateur devait être : polyvalent et compétent dans chaque domaine. Cadrant, cohérent, à l’écoute mais pas trop, disponible, diplomate, organisé, structuré, prenant des initiatives mais pas trop non plus – ou dans les normes pré-établies, bon à l’écrit, percutant en réunion, avec de bonnes capacités d’analyse, non jugeant, bienveillant, etc. J’ai arrêté de prendre en charge trop de choses que je ne savais pas faire ou qui me prenaient trop d’énergie pour me concentrer davantage sur les compétences naturelles que j’avais et que je pouvais mettre au service de mon équipe et des jeunes. Cela ne voulait pas dire que je ne faisais que ce qui me plaisait, mais dans la mesure où j’ai identifié ce pour quoi j’étais compétente et ce qui me demandait trop d’énergie au détriment de ce que je savais faire, j’ai pu plus facilement me positionner auprès de ma hiérarchie ou en réunion d’équipe pour orienter mes actions plutôt vers ce qui me correspondait. Tout en en faisant part à ma responsable pour que nous trouvions un équilibre commun.

Mon expérience, qui n’est que la mienne, est qu’au plus j’ai été proche de ce qui m’animait, au plus je me suis sentie à ma place, dans mon élément, sur le terrain. Pour celles et ceux qui me connaissent, c’est là que je parle souvent de danse relationnelle. Et à partir du moment où j’ai appris à mieux me connaître, c’était autant de chemin parcouru pour voir l’autre tel qu’il était, sans chercher à le faire rentrer dans une boîte.

Et j’ai cette conviction qu’il y a de fortes chances que plus tu t’autoriseras à être toi-même et à révéler les couleurs qui sont les tiennes, en trouvant l’équilibre entre ce fonctionnement qui t’est propre et la structure dans laquelle tu travailles, au plus tu seras en accord avec tes valeurs et donc au plus tu sentiras ce qui fait sens pour toi et à quel niveau tu peux le plus apporter à la fois aux jeunes, aux collègues mais aussi à toi-même.

Il y a autant de façon d’exercer le métier d’éducateur que d’éducateurs en poste. Chacun a ses spécificités, sa personnalité, son identité et tu as toi-même la tienne, même si tu ne l’as pas encore découverte !

4 réflexions au sujet de « Oser révéler sa couleur »

  1. Merci pour cet article 🙂 Je suis en troisième année de formation d’éduc spé et je m’interroge déjà sur cette capacité à trouver un équilibre entre la commande institutionnelle et le respect de notre personnalité. Cela fait du bien de lire ces mots. Ils reconnectent à l’essence même de la raison pour laquelle nous voulons faire ce travail…

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    1. ❤ Merci Guitar And Glitters ! Je suis enchantée de lire votre commentaire.
      J'ai créé un groupe FB pour échanger plus facilement sur le sujet : Educateur : un être au coeur de la relation (Le Groupe), vous y êtes la (le ?) bienvenu.e 🙂

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    1. Merci Flore pour ton retour, ça me fait toujours plaisir de lire ce que les gens en ont pensé, ce qui n’est pas encore toujours le cas mais je ne désespère pas. A la relecture le lendemain je me dis qu’il y aurait eu tellement d’autres choses à dire, mais ça me laisse de la matière pour d’autres articles 🙂

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